Moyle, L., Dymock, A., Aldridge, A., & Mechen, B. (2020). Pharmacosex: Reimagining sex, drugs and enhancement. International Journal of Drug Policy, 86, 102943.
https://doi.org/10.1016/j.drugpo.2020.102943
Traduction rapide.
La consommation de drogues dans un contexte sexuel fait l’objet d’une attention sans précédent de la part des médias, des organismes de santé publique et des communautés. Cependant, les recherches menées à ce jour portent principalement sur la consommation de drogues à des fins sexuelles chez les populations lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et queer (LGBTQ), et en particulier chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) qui pratiquent le « chemsex ». Dans un contexte dominé par les perspectives de la santé publique et de la science médicale, cet article cherche à dépasser les discours dominants sur le sexe et la drogue, caractérisés par le risque et le préjudice, ou le plaisir. En s’appuyant sur une notion élargie d’amélioration, nous explorons les intersections entre la consommation de drogues et le sexe à travers le concept de « pharmacosexe » : les façons dont des populations plus larges expérimentent une gamme de drogues illicites qui modifient et améliorent leur vie sexuelle dans le contexte de processus plus larges de pharmaceutisation de la sexualité.
S’appuyant sur deux études empiriques comprenant une ethnographie virtuelle et 45 entretiens avec des participants de divers genres et identités sexuelles qui combinent régulièrement sexe et drogues, cet article contribue à l’ensemble croissant de recherches qui s’intéressent à la matérialité des pratiques de consommation de drogues en relation avec les contextes historiques et sociaux dont elles émergent.
Nos participants ont rapporté des modes d’amélioration variés et complexes en relation avec un large éventail de substances psychoactives. Les participants ont décrit une connexion émotionnelle renforcée, des sensations corporelles, une désinhibition et un désir accrus, mais ils ont également évoqué la manière dont le sexe améliore les expériences liées à la drogue. Les dimensions thérapeutiques de la consommation de drogues rapportées, qui ne peuvent être clairement distinguées des motivations purement hédoniques, sont tout aussi importantes mais actuellement négligées dans la littérature scientifique. Si les participants ont également fait l’expérience d’une amélioration de manière plus difficile en termes de honte, de regret, de risque et/ou de préjudice, ces expériences ont simultanément permis l’émergence de pratiques innovantes en matière de gestion des risques, de sécurité et de soins.
Cette étude expose la diversité des pratiques et des significations que revêt la consommation de drogues à des fins sexuelles pour les participants, mais démontre également la pauvreté des conceptions biomédicales de l’amélioration sexuelle, limitées à l’endurance, à la fonction et à la libido, et la nécessité d’une approche plus large.
Elle soulève également des questions sur la mesure dans laquelle les discours contemporains sur l’amélioration de soi ont fini par « habiter » la sexualité au XXIe siècle, et sur le rôle que les drogues pourraient jouer dans ce contexte. En déplaçant le regard de la pathologie vers l’amélioration et en explorant la pluralité des pratiques, nous pouvons mieux comprendre les motivations qui poussent à consommer des drogues à des fins sexuelles, et ainsi éviter les réactions instinctives et contre-productives en matière d’application de la loi et de politiques.