Histoire de la Prohibition et de l'évolution de la RdR - Spécial Support Don't Punish 2025

Le 26 juin, c’est un jour spécial pour DRUGZ et le monde de la réduction des risques ! Depuis 1987 c’est une journée internationale contre l’abus et le trafic de drogues. Il y a donc plein de politiciens, et même le pape, qui sortent leurs plus beaux discours à cette date pour dire à quel point les drogues sont dangereuses et à quel point il faut les combattre.

Bon c’est un peu ronflant tout ça et on a l’habitude d’entendre exactement la même chose chaque année, du coup on va plutôt s’inscrire à la contre soirée organisée par un mouvement qui s’intéresse réellement à la santé des gens et à leur bien-être.

Contextualisation.

En 2013, un groupement international d’associations Il s’agit de l’International Drug Policy Consortium, vous pouvez aller voir leur site. a lancé le mouvement du Support Don’t Punish, en réponse aux politiques nationales et internationales qui criminalisent l’usage de drogues. Et c’est le 26 juin que ça tombe ! Sacré hasard, hein ?

Les conséquences sont désastreuses partout où la pénalisation de l’usage de drogues est appliquée, d’un point de vue social comme sanitaire et sécuritaire. Pourtant la plupart des gouvernements, notamment en France, persistent dans la répression tout en présentant ça comme une manière de lutter contre les addictions et les dégâts provoqués par les drogues.

"La prohibition des drogues a des conséquences catastrophiques dans le monde entier. Les tentatives déployées par les États pour contrôler ou éliminer le commerce des drogues alimentent la violence, l’approvisionnement en drogues toxiques et la crise du système de justice pénale. La prohibition favorise le recours aux formes de sanctions les plus disproportionnées et les plus violentes : peine de mort, détention arbitraire, torture, châtiments corporels, « traitements » forcés, alors même que ces sanctions constituent une violation des obligations internationales en matière de droits humains."

"Au cours des 60 dernières années, les lois punitives en matière de drogues ont fait exploser la population carcérale dans le monde entier, avec des conséquences désastreuses pour les individus, les prisons et la santé publique. En 2022, 7 millions de personnes ont été soit soupçonnées, soit arrêtées, soit ont reçu un avertissement de la police pour une infraction liée aux drogues1. Il faut se préoccuper non seulement des dommages extrêmes causés par la prohibition, mais aussi des dommages dont elle est responsable au quotidien : ces personnes peinent à accéder à des soins de santé sans jugement ou à se déplacer dans leur propre quartier sans subir le harcèlement des forces de l’ordre."

Les faits scientifiques donnent très largement tort Wodak AM, A. (2014). The abject failure of drug prohibition. Australian & New Zealand Journal of Criminology, 47(2), 190-201. https://doi.org/10.1556/2054.2019.008 à ce type de politique mais ne sont pas du tout écoutés. Et en Europe, la France se démarque en matière de répression ! Encore en 2025, consommer peut valoir une amende très salée, une garde à vue et même jusqu’à un an de prison.
Que risque-t-on pour usage de drogues ?

Vous pouvez être puni d’une amende forfaitaire ou d’une peine prononcée par le tribunal. L’usage de stupéfiants est en effet une infraction traitée différemment selon les circonstances : type de drogues, quantité, casier judiciaire de l’auteur des faits, etc.

L’amende forfaitaire est une sanction pénale qui est prononcée en dehors d’un procès. La décision est prise par un policier, un gendarme ou un agent public habilité qui constate cette infraction (agent des douanes…). Ainsi, si vous êtes contrôlé en train de consommer des stupéfiants ou en possession de petites quantités, vous pouvez recevoir une amende forfaitaire.

En revanche, si lors du contrôle, vous détenez une quantité importante de drogue ou un type de drogue classé comme drogue dure (héroïne, crack…) ou si vous avez un casier judiciaire, vous pouvez être poursuivi devant le tribunal correctionnel .

Article L3421-1 du Code de la Santé Publique

L’usage illicite de l’une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d’un an d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende.

Si l’infraction est commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, ou par le personnel d’une entreprise de transport routier, ferroviaire, maritime ou aérien, de marchandises ou de voyageurs exerçant des fonctions mettant en cause la sécurité du transport dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. Pour l’application du présent alinéa, sont assimilés au personnel d’une entreprise de transport les travailleurs mis à la disposition de l’entreprise de transport par une entreprise extérieure.

Pour le délit prévu au premier alinéa du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 200 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 150 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 450 €.

Procédure devant le tribunal

Procédure devant le tribunal

L’usage de stupéfiants est un délit puni d’une peine maximale de 1 an d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende.

Lors de sa décision, le juge tient compte de la substance saisie (cannabis, héroïne ou autres drogues) et du contexte de l’infraction. Votre situation personnelle, financière et professionnelle est également prise en considération.

L’usage de stupéfiants concerne aussi bien l’usage public que l’usage privé.

Le fait de commettre cette infraction dans l’exercice de votre fonction (dépositaire de l’autorité publique, chargé d’une mission de service public ou personnel d’une entreprise de transport…) est une circonstance aggravante. Vous risquez alors 5 ans d’emprisonnement et 75 000  €d’amende.

Des peines complémentaires peuvent être prononcées, par exemple :

  • Cure de désintoxication
  • Confiscation des substances ou plantes saisies
  • Confiscation des installations, matériels…
  • Stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants (aux frais de la personne condamnée)
  • Travail d’intérêt général (entre 20 et 400 heures)
  • Jours-amende
  • Interdiction d’exercer une profession ayant un rapport avec le transport de marchandises ou de personnes
  • Interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur (avec ou sans permis exigé).

Attention  

En fonction de la gravité de l’infraction commise et de vos antécédents judiciaires, une amende douanière peut être demandée.

Le procureur de la République peut également choisir la mise en oeuvre des mesures alternatives aux poursuites.

Il peut ordonner une mesure d’injonction thérapeutique (soins ou surveillance médicale) ou mettre en place une composition pénale. Une peine complémentaire peut vous obliger à suivre, à vos frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants, même si vous êtes mineur.

L’avocat n’est pas obligatoire pour cette procédure.

Si vous souhaitez être assisté par un avocat mais que vos ressources ne vous permettent pas de le rémunérer, vous pouvez demander à bénéficier de l’aide juridictionnelle.

Et bien sûr, tout ceci ne prend pas en compte la violence avec laquelle l’interpellation peut se faire, les propos déshumanisant, la contrainte physique, le mépris et le jugement… Difficile de considérer tout ça comme une façon de préserver la santé des personnes ! 

Environ 20 % des prisonniers en France le sont pour une infraction à la législation sur les stupéfiants. La majorité de ces personnes sont notamment condamnées pour trafic. Les personnes simplement consommatrices reçoivent dans 72 % des cas une amende. Et pour ceux qui pensent qu’aujourd’hui on ne va pas en prison pour un simple usage, c’est faux. 6,1 % des personnes ayant comparu devant le tribunal pour usage ont été condamnées à de la prison. Seulement 15 % de ces condamnations avaient une infraction connexe, comme le vol ou une agression.

Condamnations pour usage de stupéfiants par les tribunaux, en 2019 - INSEE
Part des infractions connexes dans les procédures de trafic et d'usage de stupéfiants, en 2019 - INSEE

Curieusement la France est malgré la répression un pays où la consommation est relativement élevée. Elle est en tête, en Europe, sur la consommation de cannabis au cours de la vie (47.3% de la population de 15 à 64 ans a consommé au moins une fois du cannabis !), et dans la fourchette haute concernant la cocaïne (5.6% des 15-64 ans).

En fait, quand on compile un peu les chiffres des différentes consos licites et illicites, on constate rapidement que des millions de personnes consomment toutes sortes de drogues en France. Il ne faut pas oublier qu’il existe beaucoup de poly-consommations, mais même en prenant le plus petit dénominateur commun on reste sur une très grosse proportion de consommateurs et consommatrices uniques.

Si on prend un peu de temps pour écouter ce qu’ont à dire les personnes concernées et les différents acteurs médico-sociaux dans la prévention et la réduction des risques, la prise en charge des personnes lorsqu’elle est nécessaire est largement insuffisante. Manque de temps médical, moyens insuffisants en termes de financement des dispositifs qui ont fait leurs preuves, manque de reconnaissance du travail effectué par les acteurs communautaires sur le terrain…

Bref, le modèle imposé par la loi de 1970Deux revues SWAPS de VIH.org pour creuser le contexte et l’historique de la loi de 1970 : Swaps n°96-97 ; Swaps n°60 est très largement un échec, autant d’un point de vue purement répressif (la drogue circule toujours et les trafiquants continuent de s’entretuer) que d’un point de vue sanitaire (les personnes souffrant d’addiction n’ont que peu de possibilités de prise en charge, les CSAPA sont sous-dotés CSAPA : Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie. Les microstructures médicales sont aussi dans une situation délicate., le stigma et la répression éloignent Muncan, B., Walters, S. M., Ezell, J., & Ompad, D. C. (2020). “They look at us like junkies”: influences of drug use stigma on the healthcare engagement of people who inject drugs in New York City. Harm reduction journal, 17, 1-9. https://doi.org/10.1186/s12954-020-00399-8 du système de soin…), je ne vous cache pas que la situation est très compliquée.

On pourrait s’arrêter à ce constat très simple et exiger une refonte totale du système, mais c’est quelque chose qui est déjà fait depuis longtemps et rien ne bouge vraiment. Pire, la situation se durcit, les discours sont de plus en plus culpabilisant, les mesures « sécuritaires » supplantent de loin les mesures sanitaires… Les gouvernements qui se suivent et se ressemblent s’acharnent à assimiler l’image du consommateur à celle du trafiquant, et dès qu’il s’agit de drogues illicites plus aucune nuance n’est autorisée.

Les seules restrictions devraient être celles qui sont imposées pour protéger le public contre les produits contrefaits ou pollués. Avec le terrible exemple de la prohibition derrière nous, il semble presque impensable que nous ayons pu recommencer : prendre un besoin humain fondamental et le pervertir en un vaste système de crime organisé et de corruption sociale. Quand comprendrons-nous enfin que dans une démocratie, c'est au peuple de dire au gouvernement ce qui le rend heureux, et non l'inverse ?

Alors comment faire ? Comment faire prendre conscience aux gens que, quoi qu’ils pensent des drogues et des drogués, l’approche choisie depuis plus de 50 ans ne fonctionne pas ? Et qu’aller encore plus loin dans le sens de la répression et de la criminalisation n’apportera aucun bénéfice à l’échelle de la société ? Un pays comme les Philippines Lamchek, J. S., & Jopson, T. (2024). Confronting the Philippines’ war on drugs: A literature review. Sociology Compass, 18(5), e13209. https://doi.org/10.1111/soc4.13209 est un très bon exemple de cet échec incontestable de la War on Drugs dans sa forme la plus violente.

Pire encore, comment faire comprendre que cette politique est une vaste mascarade et ce depuis des décennies autant pour les personnes qui ne consomment pas que pour nous autres, et que l’argent du contribuable est gaspillé à coups de millions d’euros dans la répression ?

Dans les 400 millions juste sur 2019 si on fait un rapide calcul à partir des données de l’OFDT Dans la catégorie « prévention, répression et dépenses de soins », il est estimé que la répression vaut pour 29% des dépenses de cette catégorie. Avec 1.348 milliards d’euros dépensés pour les drogues illicites pour cette catégorie, on peut estimer à 1.348×0.29 = 390,92 millions d’euros alloués à la répression. OFDT : coût social des drogues en 2019 . Près de 2 milliards en 2024 si on se réfère à Médecins du Monde.

C’est un sujet complexe et il y a énormément d’angles possibles pour l’aborder. Aujourd’hui l’idée c’est d’essayer de reprendre un peu le fil de l’histoire pour comprendre pourquoi on en est arrivés là, ou au moins voir comment. On va aussi s’intéresser à l’évolution de la réduction des risques plus récemment, parce qu’on de bonnes raisons de s’inquiéter sur l’avenir de ce mouvement en France et dans le monde.

On va tenter de comprendre ensemble comment on en est venu à criminaliser des comportements vieux comme le monde et qui touchent à un principe fondamental des libertés individuelles, à savoir disposer de son corps comme bon nous semble.

Bref, l’idée c’est de vous aider à comprendre pourquoi il vaut mieux soutenir plutôt que punir.

Petit point méthodologique.

Quand on raconte une histoire, ou l’Histoire avec un grand H, le point de départ choisi est toujours un peu arbitraire. On peut vouloir choisir le point qui nous allégera un peu de nos responsabilité, ou en choisir un pour alourdir celle des autres, ou tout simplement chercher une certaine beauté narrative. On peut aussi vouloir édulcorer un peu les choses, tout ça c’est du storytelling.

On peut évidemment vouloir être le plus objectif possible et vraiment présenter toutes les infos, mais être exhaustif c’est très compliqué, ça prend du temps, et ça intéresse pas forcément beaucoup de gens ! Le point précis qu’on choisira pour démarrer notre narratif sera toujours un choix incomplet, subjectif et plutôt partial, mais faut bien démarrer quelque part.

L’histoire de la guerre contre les drogues, ou War on Drugs, n’échappe pas à ce principe. Et aujourd’hui j’ai choisi une approche différente de celle dont on a l’habitude.

Les Guerres de l'Opium au 19ème siècle.

Carte de la Chine par National Geographic - 1912

Je n’ai pas voulu partir de Nixon ou même de la loi de 1970 en France. Ce sont des points de départ intéressants pour comprendre notre situation actuelle, mais un historien, Pierre Caquet, nous en propose un autre dans son livre Opium’s Orphans.

Pour cet historien, la version moderne de la prohibition, donc celle que l’on vit actuellement, ne remonte pas à 50 ou même 100 ans, mais plutôt à 200 ans environ. Le point de départ qu’il a choisi, c’est les années juste avant les Guerres de l’Opium, qui avaient pour but d’imposer le commerce d’opium à la Chine. Et les occidentaux ont réussi, pendant un temps.

Mais pourquoi une guerre pour la drogue, serait un point de départ valable de la guerre contre les drogues ? Ça paraît peut-être paradoxal, mais je trouve que le raisonnement se tient.

La cour impériale chinoise avait interdit la cultivation, le commerce et la consommation d’opium sur son territoire à partir de 1813. Bien qu’un texte datait déjà de 1729, il n’était que peu appliqué.

"Les marchands étrangers qui importaient l'opium en Chine étaient conscients de son statut d'article illicite, ce qui suggère qu'une certaine répression était peut-être appliquée dans les provinces côtières à la fin du XVIIIe siècle. La première poursuite judiciaire documentée en vertu de l'édit de 1729 n'a toutefois eu lieu qu'en 1806. À partir de cette date, une série de cas de contrebande ont alerté l'empereur sur la progression de la drogue à l'intérieur de la Chine. Une accusation pour contrebande et raffinage a été portée sur l'île de Haitan en 1806, et deux autres poursuites provinciales ont attiré l'attention de Pékin entre 1808 et 1810. Une autre affaire, datée de 1811, confronta les autorités à la pratique de fumer l'opium sous sa forme pure, sans le mélanger à du tabac, comme c'était la coutume jusqu'alors. En 1810, les sentinelles à l'une des portes de la Cité interdite avaient arrêté un jeune homme qui tentait de faire passer en contrebande un ensemble de pipes à opium, et en 1813, ce sont les gardes eux-mêmes qui furent pris en flagrant délit avec des pipes."

"L'empereur réagit enfin en promulguant une nouvelle série de lois draconiennes. Contrairement aux mesures précédentes, celles-ci étaient très larges et conçues pour durer. Elles allaient également avoir un impact profond à l'étranger. L'opium de Chine provenait de l'Inde coloniale, et les marchands chargés de le transporter à Canton battaient pavillon britannique. La prise de conscience par les Chinois que « l'opium est produit outre-mer » incita l'empereur, après avoir tout essayé, à s'attaquer à la chaîne d'approvisionnement étrangère de la drogue. Les marchands pouvaient toutefois compter sur le soutien de la marine la plus puissante du monde et dépendaient des réflexes agressifs d'une nation de plus en plus affirmée. L'interdiction de l'opium avait mis la Chine des Qing sur une trajectoire de collision avec l'Empire britannique."

Le commerce de l’opium a été imposé à la Chine qui souhaitait l’interdire depuis déjà longtemps. Et les puissances coloniales ont d’abord réussi. Mais ce commerce était devenu trop compliqué à maintenir sur le plan moral, entrant dans le collimateur des ligues chrétiennes de tempérances notamment du côté américain, et la voie de la guerre ayant trop entaché ce commerce aux yeux du grand public.

Alexandre Marchant, un autre historien, nous en dit un peu plus sur cette période.

"Le commerce des produits stupéfiants n’avait au départ rien de criminel : au 19e siècle, il se situait au contraire au cœur des économies coloniales. Les métropoles avaient veillé à établir des monopoles commerciaux sur leur culture, leur production et leur vente, qu’il s’agisse des Français avec le kif au Maghreb ou avec l’opium en Indochine, des Anglais avec l’opium en Inde ou encore des Néerlandais avec la cocaïne de Java, en Indonésie. Les Britanniques firent même la guerre par deux fois à l’empire du Milieu, entre 1839 et 1842 d’abord, entre 1856 et 1860 ensuite, pour ouvrir de force le marché chinois à l’opium qu’ils produisaient dans les colonies indiennes. Dans le monde occidental, de nombreux médicaments étaient à base de substances stupéfiantes comme le laudanum, qui contenait de l’opium, si prisé de Charles Baudelaire."

"Pourtant, vers la fin du siècle, le discours médical commença à distinguer l’usage médical du non médical et à sensibiliser le grand public aux ravages de la « toxicomanie », en raison de la multiplication de cas d’addiction iatrogène dont les femmes de la haute société devenues « morphinées » offraient un sinistre exemple."

Je coupe la citation d’Alexandre Marchant ici mais j’y reviens juste après parce qu’une précision s’impose. En réalité, comme me l’a justement fait remarquer Zoé Dubus, historienne spécialisée dans le lien entre psychotropes et médecine du 19e siècle à nos jours, la multiplication de cas d’addictions est surtout une impression plus qu’un fait. Zoé a montré dans un papier de 2023 Dubus, Z. (2023). L’agentivité des femmes morphinomanes au XIXe siècle. Genre, sexualité & société, (30). https://doi.org/10.4000/gss.8391 qu’en France de 1876 à 1913, seulement 480 personnes ont été qualifiées de « morphinomanes » dans la littérature médicale française.

On peut continuer avec la citation de l’Impossible Prohibition !

"De même, les ravages de l’opiomanie en Chine furent dénoncés par des ligues de vertu anglo-américaines qui imposèrent progressivement l’idée d’une réglementation internationale. Le discours antidrogue allait devenir un poncif des discours nationaliste et communiste chinois pour dénoncer le poison que l’Occident aurait inoculé afin d’asservir la population. L’idée d’une prohibition s’imposa ainsi à la Belle Époque pour enfanter le système de contrôle international du commerce licite de stupéfiants. Une première réunion, très formelle, intervint à Shanghai en 1909 entre les différents pays concernés pour élaborer le meilleur contrôle de l’économie des stupéfiants : elle ne fut guère suivie d’effet."

"L’acte officiel de naissance de la prohibition internationale fut donc plutôt la conférence de La Haye qui se tint à la charnière des années 1911-1912. La convention qui y fut adoptée devint la matrice de toutes les réglementations internationales et de bon nombre de lois nationales (Harrisson Act aux États-Unis en 1914, loi de 1916 en France...), même si plusieurs pays lambinèrent pour démanteler leurs fructueux monopoles coloniaux."

On peut donc constater que cet épisode de guerre pour imposer le commerce de l’opium à la Chine s’est « retourné » contre les puissances coloniales qui en avaient le monopole dans leurs colonies. Ils ont fini par être moralement obligés de cesser le commerce et ont donc perdu énormément d’argent. Cette période historique peut être considérée comme une sorte d’ancêtre commun aux politiques prohibitionnistes modernes, notamment en France et aux États-Unis. Mais c’est intéressant de regarder les deux contextes de manière séparée.

La War on Drugs aux États-Unis.

The Drunkard's Progress: from the first glass to the grave - 1846

On voit déjà avec les travaux de ces historiens que se limiter dans la chronologie à Nixon ou Reagan n’est pas vraiment suffisant dans notre compréhension de l’évolution de la logique prohibitionniste qui persiste encore aujourd’hui dans le monde.

Aux États-Unis ils n’ont d’ailleurs pas attendu ces deux lascars pour « combattre » les drogues. Eisenhower avait même eu l’idée avant eux en 1954, et la machine était lancée bien avant les années 50. Et tout le monde connaît l’épisode de la prohibition de l’alcool, tant il a été utilisé à de nombreuses reprises dans le cinéma, et qu’il est un point de départ assez évident dès qu’il s’agit de considérer l’histoire du crime organisé américain qui n’existait pas avant.

Le Volstead Act, qui a déclenché la Prohibition de l’alcool aux États-Unis, dura de 1919 à 1933, et Harry Anslinger dirigea l’ancêtre de la DEA pendant plus de 30 ans, de 1930 à 1962. On ne peut donc que constater que la guerre contre les drogues ne date pas du tout des années 70.

Au-delà de la chronologie américaine, ce qu’il est intéressant d’observer c’est surtout le fondement raciste et religieux sur lequel repose cette guerre. Plusieurs articles et vidéos à propos de la War on Drugs relaient très souvent une citation que l’on prête à John Ehrlichman, conseiller en politique intérieure de Richard Nixon.

John Ehrlichman, ancien conseiller pour les Affaires Intérieures de Richard Nixon.

"La campagne de Nixon en 1968, et le mandat de Nixon ensuite à la Maison Blanche, avait deux ennemis : la gauche pacifiste et les noirs. Vous comprenez ce que je dis ? Nous savions que nous ne pouvions pas rendre illégal le fait d’être contre la guerre ou d’être noir, mais en faisant en sorte que le public associe les hippies avec le cannabis et les noirs avec l’héroïne, et en criminalisant les deux très lourdement, nous pouvions déchirer ces communautés. Nous pouvions arrêter leurs leaders, faire des descentes dans leur maison, interrompre leurs meetings, et les calomnier jour après jour aux journaux télé du soir. Savions nous que nous mentions sur les drogues ? Bien sûr."

En réalité, on ne sait pas s’il a vraiment dit ça. Pour autant, on sait depuis longtemps que les conséquences de la War on Drugs aux États-Unis ont surtout pesé sur les Noirs, comme l’a mis en évidence la criminologue Mona Lynch en 2012 Lynch, M. (2012). Theorizing the role of the ‘war on drugs’ in US punishment. Theoretical Criminology, 16(2), 175-199. https://doi.org/10.1177/1362480612441700 . Et la différence de traitement entre Noirs et Blancs n’a aucune raison d’être si ce n’est le fait que les États-Unis sont un système profondément raciste Vargas, E. A., Scherer, L. A., Fiske, S. T., Barabino, G. A., & National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine. (2023). The historical and contemporary context for structural, systemic, and institutional racism in the United States. In Advancing Antiracism, Diversity, Equity, and Inclusion in STEMM Organizations: Beyond Broadening Participation. National Academies Press (US). . Et c’est loin d’être le seul pays avec un tel système, notamment lorsqu’on observe l’histoire coloniale des pays occidentaux Dertadian, G. C. (2024). The coloniality of drug prohibition. International Journal of Drug Policy, 126, 104368. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0955395924000537.

Il est vraiment important de ne pas oublier que la politique actuelle autour des drogues repose en grande partie sur un racisme systémique encore très actif aujourd’hui. Pour donner une petite idée aux Etats-Unis : l’usage de psychotropes est similaire chez les Noirs et les Blancs, mais on observe 3 à 6 fois plus d’arrestations dans la population noire Rosino, M. L., & Hughey, M. W. (2018). The war on drugs, racial meanings, and structural racism: A holistic and reproductive approach. American Journal of Economics and Sociology, 77(3-4), 849-892. https://doi.org/10.1111/ajes.12228 .

Les Noirs ne vendent ni ne consomment pas plus que les Blancs Rosenberg, A., Groves, A. K., & Blankenship, K. M. (2017). Comparing Black and White drug offenders: Implications for racial disparities in criminal justice and reentry policy and programming. Journal of drug issues, 47(1), 132-142. https://doi.org/10.1177/0022042616678614 . Il y a un biais important dans les contrôles et dans la vision de la police dès qu’il s’agit de repérer de potentiels délinquants et la War on Drugs n’a fait qu’accentuer les conséquences de ce biais xénophobe.
Rosino, M. L., & Hughey, M. W. (2018). The war on drugs, racial meanings, and structural racism: A holistic and reproductive approach. American Journal of Economics and Sociology, 77(3-4), 849-892.
Rosino, M. L., & Hughey, M. W. (2018). The war on drugs, racial meanings, and structural racism: A holistic and reproductive approach. American Journal of Economics and Sociology, 77(3-4), 849-892. (ILS : infraction à la législation sur les stupéfiants)

Une vidéo de Fouloscopie permet d’aborder ce sujet, et nous montre qu’il n’est pas si simple de corriger un biais raciste qui provoque un biais d’échantillonage qui alimente le biais raciste dont il provient. Ce cercle vicieux est d’autant plus compliqué à briser du simple fait qu’il dure depuis très longtemps et que beaucoup de personnes sont désormais convaincues que si on trouve plus de crimes dans une certaine population, c’est uniquement parce qu’elle en produit plus, et pas parce qu’on surveille surtout cette populations et pas les autres.

Peu importe donc que la citation d’Ehrlichman soit vraie ou non. Ce n’est pas sur elle que repose la légitimité de notre opposition à cette prohibition et à ses conséquences. C’est sur les faits, et uniquement les faits, que se base notre argumentaire contre elle et la répression qui l’accompagne.

Le journaliste Tom Feiling a écrit dans son livre Feiling, T. (2009). The candy machine: How cocaine took over the world. Penguin UK. que le blâme est au cœur de la War on Drugs. Et je pense qu’il a parfaitement raison encore aujourd’hui, et que cela a toujours été le cas. Mais je ne pense pas que ce soit l’objectif principal. Comme le laisse entendre la citation supposée de John Ehrlichman, combattre les drogues et les drogués est plus un moyen qu’une fin en soi. Agiter l’épouvantail de la toxicomanie, de l’addiction dès le premier joint, du LSD qui rend tout le monde schizophrène, c’est une stratégie politique qui n’a aucune intention d’améliorer la santé publique.

De la même manière que le racisme est un carburant à de nombreuses politiques, la toxicophobie en est un autre parfois complémentaire. Et le réel objectif des politiciens n’est pas – à mon humble avis – simplement de la méchanceté et une haine profonde d’une partie de la population, bien qu’ils ne manquent ni de l’un ni de l’autre. C’est surtout un moyen de gagner du pouvoir, et de le garder le plus longtemps possible. Désigner un ennemi commun est une stratégie particulièrement efficace sur le plan politique pour atteindre un certain nombre d’objectifs, pour « unir » un peuple face à une « menace » plus grande que lui, par exemple.

"Je pense qu'au début de l'histoire de chaque société, les gens ont découvert ces codes puissants, ce langage caché qui nous distingue les uns des autres et qui s'adresse directement à notre inconscient. C'est peut-être le même processus qui a permis de découvrir les drogues puissantes et les poisons cachés dans les nombreuses plantes et animaux utilisés pour l'alimentation. Tout comme la bière ou le vin, ces découvertes avaient des effets psychotropes : elles provoquaient des émotions fortes chez les gens, ce qui changeait leur comportement.."

"C'est une drogue puissante entre les mains de personnes ayant autorité sur les autres. Comme l'ont noté les historiens, les dirigeants ont utilisé ce pouvoir pour promouvoir leurs intérêts : ils ont œuvré, comme l'a dit l'historien James Given, « pour pénétrer l'âme des hommes et des femmes ordinaires et les remodeler selon les conceptions élitistes du comportement approprié et de l'ordre juste »."

"Cette tâche n'est pas difficile. Il suffit au dirigeant d'organiser la vie de ses sujets de manière à ce que leurs codes humains soient façonnés selon ses propres préférences. Une fois ces codes en place, les maîtres de la société pouvaient les imposer à leurs sujets qui étaient de mauvaises personnes, qui n'étaient pas vraiment « nous ». Les sujets ordinaires ne se demandaient pas pourquoi ces personnes, qui leur ressemblaient tant, n'étaient pas considérées comme humaines. De plus, les gens ordinaires travaillaient dur pour éviter de devenir comme ces mauvaises personnes. Les dirigeants pouvaient punir ceux qui résistaient à leur domination en les reléguant au rang des méprisés."

Stigmatiser est une stratégie cruellement efficace, d’une part parce qu’il est facile de mobiliser une grande partie de la population pour le faire vivre d’eux-mêmes, mais aussi et surtout parce que les personnes stigmatisées intériorisent ce stigma et se mettent à agir en fonction de celui-ci. Je vous laisse aller jeter un oeil à l’article sur le stigma pour creuser un peu ses effets.

Tom Feiling nous partage un échange qu’il a eu avec un ancien conseiller juridique du Congrès américain. On peut y voir que le stigma permet de justifier des actions abjectes qui sont acceptées par la population qui ne les subit pas, et peut même en profiter directement socialement ou économiquement.

"Malgré la quasi-invisibilité des personnes addicts, la presse et les politiciens ont continué à exploiter la peur populaire des drogues pour mobiliser une chasse aux sorcières contre ceux qu'ils jugeaient indésirables. « Les lois anti-marijuana ont été adoptées pendant la Grande Dépression, lorsqu'une sécheresse massive dans les États du Dust Bowl a provoqué une migration interne vers la Californie », m'a expliqué Eric Sterling, ancien conseiller juridique du Congrès. « La Californie était espagnole depuis le XVIe siècle jusqu'aux années 1840, lorsque les États-Unis s'en sont emparés après la découverte de l'or. Un nouveau récit a été construit, dans lequel les Californiens étaient en quelque sorte des étrangers, consommant une drogue étrangère qui les rendait meurtriers. »"

"Les journaux ont répété des affirmations non fondées selon lesquelles « l'herbe meurtrière » poussait ses consommateurs, en particulier les Mexicains, à commettre des actes de violence terribles, notamment contre les femmes anglo-saxonnes. Harry J. Anslinger, premier directeur du Bureau américain des stupéfiants, affirmait que « le cannabis fait croire aux Noirs qu'ils sont aussi bons que les Blancs ». Dans un contexte de ruée vers les terres, la diabolisation des consommateurs de marijuana par la presse servait à justifier le vol et l'emprisonnement des hispanophones à travers la Californie. Comme le soulignait Eric Sterling, il était jugé « préférable d'employer les bons chrétiens blancs qui ont fui la Grande Dépression pour venir en Californie, car ils ont besoin de travail »."

Des personnes ont été expropriées, dépossédées de tout leurs biens et violentées du simple fait qu’elles étaient identifiées comme étrangères et consommatrices de psychotropes. Les terres peuvent avoir énormément de valeur, plus que ce que pourrait rapporter le trafic de drogues. Une analyse de Guadalupe Correa Cabrera, chercheuse en géopolitique, nous permet d’approfondir le lien qui peut être fait entre la War on Drugs et les terres convoitées par des industriels, au Mexique notamment. Pour elle, cette guerre prend dans ce pays la forme d’une guerre pour les terres et les ressources qu’elles renferment.

Elle rapporte dans son livre Correa-Cabrera, G. (2017). Los Zetas Inc. criminal corporations, energy, and civil war in Mexico. University of Texas Press. une théorie très sérieuse qui explique que les cartels mexicains existeraient entre autres pour servir indirectement les intérêts d’industriels qui cherchent à s’approprier des terres riches en ressources au sein du pays. Dans le livre où elle présente ses recherches, elle décrit un pays militarisé considéré comme « état en danger de défaillance » par les États-Unis, qui utilisent cet argument pour mener des ingérences. C’est une stratégie néo-coloniale pour mettre la main sur des ressources naturelles, chose qui serait impossible dans un état stable sans groupe paramilitaire dans le genre des cartels.

Même si cette théorie mérite d’être encore approfondie et critiquée, il reste vrai que des entreprises privées profitent directement de cette guerre, notamment l’industrie américaine de l’énergie grâce aux hydrocarbures, mais aussi des sociétés de sécurité privées. On peut notamment lire dans son livre que :

"Cockcroft affirme que la guerre contre la drogue au Mexique a servi de prétexte à la militarisation du pays. Ces événements empêcheraient la montée de l'opposition mexicaine, ce qui permettrait en même temps aux entreprises américaines « d'exercer un contrôle accru sur le pétrole, les minerais, l'uranium, l'eau, la biodiversité et la main-d'œuvre immigrée du Mexique », ce qui « améliorerait les chances des États-Unis de renforcer leur sécurité énergétique » et représenterait « une nouvelle phase de l'impérialisme contemporain »."

"Pour le professeur Alfredo Jalife Rahme, ce qui est réellement en jeu dans la guerre au Mexique, c'est le contrôle des ressources pétrolières. Il affirme que « lorsque les États-Unis auront accès au pétrole mexicain », la terrible violence générée par cette guerre – qui favorise le pillage des ressources naturelles et semble nécessiter une intervention – prendra fin. Il décrit cela comme une conséquence de « la voracité des États-Unis », qui savent désormais que le pétrole a atteint son pic et deviendra une ressource rare. Par conséquent, pour que les États-Unis conservent leur statut d'empire, ils doivent s'assurer un large accès au pétrole restant dans le monde."

Mais ce sujet des terres, du néo-colonialisme, de la militarisation d’un pays pour « combattre » les drogues, ça ne suscite pas beaucoup d’analyses journalistiques. Et quand elles existent elles ne profitent pas de la portée médiatique qu’il leur faudrait. On n’entend pas plus les médias classiques sur comment la cocaïne a permis aux États-Unis Je vous recommande deux lectures pour approfondir ce sujet qui mériterait un article à lui seul : Webb, G. (1996). Dark alliance. San Jose Mercury News, 22. ; Feiling, T. (2009). The candy machine: How cocaine took over the world. Penguin UK. de financer une guerre civile en Amérique centrale, et comment cette même cocaïne s’est retrouvée sous forme de crack tout particulièrement dans des quartiers majoritairement habités par des afro-américains.
Les américains ne se sont jamais privés d’influencer les politiques internes des autres pays. C’est une stratégie impérialiste qui n’a d’objectif que l’intérêt géopolitique des américains. Ils ont largement et sans surprise influencé les politiques de nombreux pays en matière de drogues Levine, H. G. (2003). Global drug prohibition: its uses and crises. International Journal of Drug Policy, 14(2), 145-153. https://doi.org/10.1016/S0955-3959(03)00003-3 , et la France n’y a pas échappé. Notamment en utilisant leur influence au niveau des Nations Unies et leur puissance économique.

Et dans mes recherches sur le sujet j’ai trouvé quelque chose d’intéressant !

"Tout ce que nous voyons dans la sphère publique, ce sont les victimes. C’est comme si notre seule image des buveurs était celle d’un sans-abri allongé dans un caniveau en train de boire du gin pur. Cette impression est ensuite renforcée par toute la puissance de l’État. Par exemple, en 1995, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a mené une vaste étude scientifique sur la cocaïne et ses effets. Elle a découvert que “l’usage expérimental et occasionnel est de loin le type d’usage le plus courant, et que l’usage compulsif/dysfonctionnel est beaucoup moins fréquent”. Le gouvernement américain a menacé de couper le financement de l’OMS s’il ne supprimait pas le rapport. Il n’a jamais été publié ; nous savons ce qu’il dit uniquement parce qu’il a fait l’objet d’une fuite."

Cet extrait du livre de Johann Hari datant un peu et les sources étant encore antérieures à celui-ci, j’ai a eu beaucoup de mal à trouver la source primaire. Je n’ai donc pas pu la consulter tout de suite. Sur Reddit, il y a 16 ans, cette information n’a semble-t-il pas été débunkée et bien qu’elle n’ait pas plu à tout le monde, elle ne paraissait alors pas fausse.

Après avoir cherché plusieurs jours le fameux papier, puisque tous les vieux liens étaient morts, j’ai fini par demander sur le subreddit r/AskDrugs où une âme charitable a su m’orienter vers ce que je cherchais. Un article de journal m’a alors permis de trouver le papier “banni”. Sûrement la source la plus compliquée à trouver jusqu’ici dans le projet DRUGZ, mais indispensable pour comprendre toute la logique de la guerre contre la drogue. Laissez-moi vous partager un extrait très parlant de l’article qui cite le rapport banni.

"Presque dès que le dossier d’information a commencé à circuler dans les couloirs de l’ONU, les responsables américains ont pesé de tout leur poids pour empêcher la publication de l’étude. “Le gouvernement des États-Unis a été surpris de constater que le dossier semblait défendre les utilisations positives de la cocaïne”, a répondu Neil Boyer, le représentant des États-Unis à la 48e réunion de l’Assemblée mondiale de la santé à Genève. Il a déclaré que le programme de l’OMS sur la toxicomanie allait “dans la mauvaise direction” et “sapait les efforts de la communauté internationale pour éradiquer la culture et la production illégales de coca”. Il a dénoncé “les preuves du soutien de l’OMS aux programmes de réduction des risques et l’association antérieure de l’OMS avec des organisations qui soutenaient la légalisation des drogues."

Puis vint une menace claire : “Si les activités de l’OMS relatives aux drogues ne parviennent pas à renforcer les approches éprouvées de lutte contre la drogue, les fonds destinés aux programme concernés devraient être réduits”. (7) Elle eut l’effet escompté dans la mesure où les résultats du projet sur la cocaïne ne furent jamais publiés. Le dossier d’information avait été une publication prématurée des résultats sommaires, avant que les résultats complets de la recherche ne soient passés par le processus habituel de révision et d’édition approfondies. Cependant, en raison de l’agitation, aucun accord n’a pu être trouvé sur la liste des pairs examinateurs, de sorte que le processus n’a jamais été achevé. Des années de travail et des centaines de pages de faits et d’informations précieux sur la coca et la cocaïne par plus de 40 chercheurs ont, en fait, été “brûlées”. »

Bref, on pourrait parler de savoir populaire dès qu’il s’agit de l’interventionnisme agressif des américains, il y a beaucoup de travaux journalistiques à ce sujet. Mais… malgré le fait qu’on aimerait bien faire porter le chapeau aux américains pour tous nos malheurs, ça serait pratique je vous l’accorde, on va voir ensemble que la France est quand même très autonome dès qu’il s’agit d’adopter une politique répressive et autoritariste.

La prohibition en France et le rôle des médias.

Le Médecin guarissant Phantasie, purgeant aussi par drogues la folie - 1620
En France, on pourrait choisir la loi de 1970 Bernat de Célis, J. (1996). Drogues: consommation interdite. La genèse de la loi de 1970 sur les stupéfiants. Paris, l’Harmattan. comme point de départ à l’histoire de la prohibition. Certaines personnes bien renseignées parleront même du supposé déclencheur de cette loi, à savoir le décès de Martine, 17 ans, à Bandol en 1969 suite à une injection d’héroïne. Le traitement médiatique Yvorel, J. J. (2018). De la morphinée à la junkie: les visages de la droguée. Criminocorpus. Revue d’Histoire de la justice, des crimes et des peines, (9). https://doi.org/10.4000/criminocorpus.3696 des « morphinées » devenues « junkies » est aussi intéressant à prendre en compte.
On peut aussi penser à la façon dont une telle loi permettait au gouvernement de criminaliser le mouvement de mai 68, en associant les étudiants à des hippies fumeurs de joints et consommateurs de LSD. Et on peut même y raccorder la campagne médiatique de diabolisation du LSD de 1966 Dubus, Z. (2021). Le traitement médiatique du LSD en France en 1966: de la panique morale à la fin des études cliniques. Cygne noir, (9), 36-62. https://doi.org/10.7202/1091460ar .

Mais s’arrêter à cette courte période pour expliquer la loi de 1970, ce serait oublier les lois qui ont été promulguées en France, en 1916 par exemple. Le deuxième article de cette loi nous dit il y a plus de 100 ans déjà que

"seront punis d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de mille à dix milles francs ou de l'une de ces deux peines seulement, ceux qui auront contrevenu aux dispositions de ces règlements concernant les stupéfiants tels que : opium brut et officinal; extraits d'opium; morphine et autres alcaloïdes de l'opium (à l'exception de la codéine), de leurs sels et de leurs dérivés; cocaïne, ses sels et dérivés; haschich et ses préparations."

Mais on voit surtout au tout début de cette loi qu’elle vient modifier une loi encore plus vieille, datant du 19 juillet 1845. Bref, en France il y a déjà une logique de répression et de contrôle bien avant 1970 et le décès de Martine.

Il y a même un texte qui date de 1800, souvent attribué à Napoléon qui l’aurait édicté en réaction à une tentative d’assassinat envers sa personne, mais… c’est totalement faux. Et d’après l’historien David Guba, Napoléon n’était même pas au courant de cette mesure prise par le général en chef de l’armée d’Orient.

"Pour Kamienski et de nombreux autres spécialistes des drogues et de la prohibition, l'interdiction du haschisch par Napoléon marque la première loi anti-drogue de l'histoire moderne française et occidentale, et constitue donc une étape importante dans l'histoire des drogues et de la prohibition dans le monde occidental. Cependant, en octobre 1800, Napoléon n'était ni en Égypte, ni n’était le général en chef de l'Armée d'Orient qui occupait alors le pays. Frustré par ses revers répétés en Égypte, Napoléon abandonna l'Armée d'Orient en août 1799 et partit secrètement pour la France afin d'entamer son ascension fulgurante vers le pouvoir politique. Après le départ de Napoléon, le commandement en Égypte passa à Jean-Baptiste Kléber, l'un des généraux les plus célèbres de l'histoire française, qui contrôla la colonie jusqu'à son assassinat en juin 1800 par un étudiant kurde d'Alep nommé Soliman al- Halabi."

"Après l'assassinat de Kléber, Jacques-François « Abdallah » Menou, commandant de la division de Rosette, prit la tête de l'armée. Lorsque Abdallah Menou promulgua l'interdiction du haschisch en Égypte au début du mois d'octobre 1800, le Premier Consul Napoléon se trouvait à près de 3 200 kilomètres de là, à Paris, où il repoussait la célèbre « conspiration des poignards » et était préoccupé par une guerre croissante en Europe contre l'Autriche et la Deuxième Coalition. De plus, une lecture attentive de la correspondance officielle entre Paris et Alexandrie tout au long de l'année 1800 révèle que Napoléon n'a pas été impliqué dans l'interdiction du haschisch en Égypte promulguée par Menou en octobre, ni même en a eu connaissance."

"Dans sa correspondance avec Paris au cours des mois d'août, septembre, octobre et novembre 1800, Menou ne mentionne pas le haschisch et, en fait, fait un rapport élogieux au citoyen consul Napoléon, se vantant du moral élevé de l'armée d'Orient et de l'amélioration considérable des conditions de vie. Pourquoi alors ce mythe de l'interdiction du haschisch en Égypte par Napoléon est-il apparu et réapparu comme un fait historique pendant si longtemps, et que nous a-t-il caché sur les circonstances historiques réelles qui ont conduit à cette première mesure de prohibition des drogues dans l'histoire moderne de la France ?"

Si vous voulez en apprendre plus sur le cannabis spécifiquement, je vous laisse aller jeter un œil à la vidéo de Zoé sur le cannabis médical en France, je referme cette parenthèse de débunkage historique !

Je vous l’ai déjà dit, mais on ne répétera jamais assez que les lois prohibitionnistes ont un fondement raciste qui permet d’exercer un contrôle légal sur des populations jugées étrangères, alors qu’elles ne le sont même pas forcément. Par exemple, en France, une étude de 2023 a montré de Maillard, J. (2022). Experiencing police stops in France. European journal of policing studies, 6(Online First). https://dx.doi.org/10.5553/EJPS/2034760X2022001003 que les Noirs étaient contrôlés 3 à 9 fois plus souvent que les Blancs.

C’était 3 à 14 fois plus souvent pour les nord-africains, les personnes identifiées comme arabes. L’intervalle dépendait notamment de l’endroit où se trouvaient les personnes, avec une prévalence plus importante dans le métro parisien. Et la raison de ces contrôles ? Le plus souvent une politique du chiffre dans la police qui pousse les agents à contrôler afin de trouver rapidement des petits délits.

Aux États-Unis comme en France, ce sont les populations issues de l’immigration qui sont les plus touchées par la prohibition Goulian, A., Jauffret-Roustide, M., Dambélé, S., Singh, R., & Fullilove III, R. E. (2022). A cultural and political difference: comparing the racial and social framing of population crack cocaine use between the United States and France. Harm reduction journal, 19(1), 44. https://doi.org/10.1186/s12954-022-00625-5 et la répression, même quand les personnes disposent de la nationalité.

"Il est important de noter que la manière dont la France aborde le crack n'est pas dénuée de dimension raciale, car la politique en matière de drogues et le système pénal sont étroitement liés. La discrimination et les inégalités structurelles en matière d'arrestation et d'incarcération selon l'origine ethnique ont été documentées par des recherches quantitatives en sciences sociales [29]. De plus, des études ethnographiques ont montré une surreprésentation des personnes de couleur dans les prisons françaises, ainsi qu'une multiplication par trois des comparutions devant les tribunaux et des taux d'arrestation plus élevés pour les ressortissants français nés à l'étranger [30, 31]. La difficulté à mettre explicitement en évidence les inégalités raciales s'explique en partie par le prisme de l'« universalisme républicain », qui affirme que tous les Français appartenant à la même nation doivent être considérés comme des « citoyens égaux » jouissant des « mêmes droits », quelle que soit leur origine. Ce cadre donne lieu à un discours politique aveugle à la couleur de peau, incapable de reconnaître publiquement la discrimination à l'égard des personnes de couleur selon l'idéologie colonialiste française [32]."

Et on peut voir dans le rapport 2024 de la Commission Globale de Politique en Matière de Drogues que ce problème est présent dans tous les pays qui participent activement à la War on Drugs. Comment on arrive à faire accepter à une grande partie de la population une différence de traitement aussi marquée, uniquement basée sur la couleur de peau ? Cette instrumentalisation repose sur des préconçus présents dans la population générale, et est activement alimentée par les politiciens et les médias complices.

Dans une intervention au colloque de Mayotte en Santé, Benjamin Tubiana-Rey qui travaille à la Fédération Addictions a présenté comment les médias participent activement à la stigmatisation des consommateurs et consommatrices de psychotropes.

La presse est sensationnaliste dès qu’il s’agit de traiter le sujet des drogues Comelli, C., Le Campion, G., & Jauffret-Roustide, M. (2021). Le traitement médiatique des drogues dans la presse quotidienne française (2013-2018). Présentation d’une méthode d’analyse textuelle à l’aide du logiciel Iramuteq. EchoGéo, (57). https://doi.org/10.4000/echogeo.22277 , et elle associe trop souvent leurs aspects négatifs aux quartiers populaires. Cela alimente malheureusement un biais raciste et xénophobe dans la population générale.

Benjamin nous partage plusieurs titres parus dans les médias, qui ont pour point commun de dresser un portrait parfaitement négatif des drogues et des expériences de vie des personnes qui les consomment. Et tout cela en ne tenant aucunement compte des statistiques qui démontrent que l’usage de drogues, même de cocaïne, est avant tout non-problématique. Rappelez-vous, c’était déjà le cas en 1995.

Et pendant que les médias, les politiciens, et des citoyens lambda alimentent les clichés et les idées nauséabondes sur le sujet des drogues, sans manquer de faire le lien avec l’immigration sinon c’est pas marrant, c’est du temps et de l’énergie perdus pour des sujets bien plus importants. La gestion des biens communs, l’évolution du climat, les réelles raisons des catastrophes sociales dans des pays moins chanceux que le nôtre…

Criminaliser les drogues et les drogués est un outil politique parmi d’autres pour éviter de penser à long terme, ou même de penser à certains sujets tout court. C’est un outil qui est ressorti régulièrement pour déployer des écrans de fumée. C’est bien pour cela qu’il n’y a aucune raison que les défenseurs de la War on Drugs écoutent les scientifiques qui montrent tous les dégâts causés par cette politique. Elle n’est en rien basée sur la science.

Le storytelling dans tout ça est une notion importante à connaître pour comprendre comment on construit un imaginaire dans la tête des gens. Aux États-Unis on voulait faire croire que les Noirs devenaient des surhommes extrêmement dangereux après avoir consommé de la cocaïne, à tel point que la police sudiste a justifié de passer à un plus gros calibre d’arme à feu pour les « stopper », avec cet « argument ».

Je vous cite un passage du livre de Johann Hari, où on peut voir le racisme ambiant et complètement décontracté de l’Amérique.

"À l'approche de l'adoption de la loi Harrison, le New York Times publia un article typique de l'époque. Le titre était : « LES « DÉMONS » DE LA COCAÏNE NOIRE, NOUVELLE MENACE DANS LE SUD ». Il décrivait un chef de police de Caroline du Nord qui « avait été informé qu'un Noir jusque-là inoffensif, qu'il connaissait bien, était « devenu fou » sous l'effet de la cocaïne [et] avait tenté de poignarder un commerçant... Sachant qu'il devait tuer cet homme ou être tué lui-même, le chef a sorti son revolver, a dirigé le canon sur le cœur du Noir et a tiré — « avec l'intention de le tuer rapidement », selon les dires de l'officier, mais le coup n'a même pas fait vaciller l'homme. » À l'époque, la presse affirmait que la cocaïne transformait les Noirs en colosses surhumains capables d'encaisser des balles en plein cœur sans broncher. C'était la raison officielle pour laquelle la police de tout le Sud avait augmenté le calibre de ses armes. Un expert médical l'a dit sans détour : « Le nègre cocaïnomane, a-t-il averti, est vraiment difficile à tuer »."

On retrouve là des stratégies de communications basiques mais qui suffisent pour façonner l’opinion. On invente une histoire ou bien on en monte une en épingle, on y ajoute de la peur, et on propose une solution simple et efficace pour expliquer qu’il est encore temps d’éviter le pire.

Et boom on a une mesure complètement disproportionnée à un phénomène dont on ne peut dire s’il s’est vraiment produit. Ça vous parle ? Une anecdote, une loi, sauf que l’anecdote est inventée pour faciliter le passage de la loi qui était déjà imaginée bien avant l’anecdote en question. Habile, n’est-ce pas ?

Ainsi, chaque drogue peut être accompagnée d’une petite histoire qu’on répète en boucle dans les journaux, à la télé, pour convaincre de sa dangerosité et d’à quel point elle menace la société. Le LSD en France n’a pas échappé à cette désinformation sensationnaliste.

"La folie supposément induite par le LSD est le thème central de toutes les publications françaises de l’époque, tant dans la presse nationale que régionale. Le quotidien régional Sud-Ouest titre ainsi : « Le LSD, la drogue qui rend fou ». C’est désormais dans ce cadre conceptuel unique que sera présenté le LSD. La télévision n’est pas en reste ; l’émission « Cinq colonnes à la une », diffusée sur l’une des deux seules chaînes de l’époque, réalise un documentaire montrant une femme et un homme prenant du LSD. La dose, de 250 microgrammes, est importante : c’est plus de deux fois celle de base (100 microgrammes). Ce reportage donne lieu à une présentation sur les substances pendant les actualités Gaumont diffusées en début de séance au cinéma titrée : « L’enfer du LSD »."

En matière de storytelling, il est important de penser à ce qu’un élément déclencheur peut être et à quoi il est associé. Lorsqu’il s’agit d’interdire des drogues, on peut retrouver un schéma qui se répète partout : une tragédie ou un évènement social qui déclenche une émotion si vive qu’elle oblige à vouloir y apporter une réponse forte et rapide. Le décès d’un ou d’une jeune suscitera toujours plus d’émotions que celui d’une personne âgée ayant vécu sa vie. Les récupérations politiques sont largement facilitées par ce genre d’anecdotes, et cela crée un moment propice à la modification d’une structure juridique.

Dans le livre d’Alexandre Marchant, on peut lire en détail sur les mécanismes de la prohibition, de son histoire et de l’évolution de 1945 jusqu’à nos jours, enfin jusqu’en 2017 mais le livre reste complètement valable aujourd’hui. Cet ouvrage est rempli de références particulièrement intéressantes pour le sujet qu’on aborde aujourd’hui.

"La prohibition d’une marchandise est souvent justifiée par un scandale public qui crée le besoin d’une politique d’urgence. Ce scandale initial peut être un fait divers révélant un acte, un comportement ou un accident inadmissible, et bénéficiant d’une importante médiatisation. Il est ensuite investi par des « entrepreneurs de morale », au sens classique de la sociologie de la déviance d’Howard Becker, qui le tiennent pour emblématique et révélateur de dysfonctionnements sociaux graves, et en profitent pour se lancer dans une forme de croisade morale."

C’est une information qu’on peut considérer sous le prisme de l’anthropologue Eliseo Véron, qui disait notamment que :

"Les événements sociaux ne sont pas des objets qui se trouveraient tout faits quelque part dans la réalité et dont les médias nous feraient connaître après coup les propriétés : ils n’existent que dans l’exacte mesure où ces médias les façonnent."

Le principe de base de tout évènement médiatisé est qu’il est présenté sous un angle choisi, modifié et nécessairement politique. Il peut être plus ou moins factuel, certains journalistes font bien leur travail et il faut le saluer dès que c’est le cas. Mais force est de constater que, sur les drogues, c’est plus rarement le cas.

Tout le monde s’est ému de la mort de Martine, parce que c’était une jeune mineur. Mais en quoi la menacer de prison, d’amende ou l’associer aux trafiquants l’aurait aidée à ne pas mourir d’une surdose d’héroïne ? La loi de 1970 n’aurait pas sauvé Martine, elle l’aurait peut-être même mise en prison et l’aurait déclassée socialement.

Et aujourd’hui plutôt que de remettre cette loi en question, le gouvernement veut bêtement serrer la vis encore plus. Le discours a longtemps été qu’interdire les drogues devait permettre de protéger les gens d’eux-mêmes, mais la solution qui a été trouvée est de les mettre en prison ou de les forcer à se « soigner », de les réprimer, et de les stigmatiser à longueur de journée.

Bref, il ne fait plus aucun doute que la justification de cette guerre repose sur une logique fallacieuse, dont le seul but est de manipuler l’opinion publique pour pousser à stigmatiser et opprimer une partie de la population, tout en voulant faire croire que c’est « pour leur bien », même si c’est de moins en moins le discours qu’on entend.

On le voit d’ailleurs avec la façon dont les free parties sont perçues médiatiquement et politiquement. Une loi est d’ailleurs proposée pour pénaliser très durement les personnes qui les organisent et y participent, toujours en faisant le lien avec la consommation de drogues. Il est difficile d’interdire aux gens d’organiser des rassemblements festifs dans la forêt ou dans des endroits inutilisés, mais dès qu’on invoque l’argument de la drogue, tout devient manifestement possible.

Cette guerre prend la forme d’une croisade morale aux fondements religieux, où le plaisir est proscrit, mais qui sert en fait des intérêts politiques bien particuliers dont il est difficile de dessiner les contours. C’est un outil utilisé pour atteindre d’autres objectifs que ceux de la santé publique et qui n’aide pas non plus en matière de sécurité, bien au contraire. Et le rôle des médias dans tout ça est central et largement complice des politiciens conservateurs et réactionnaires.

Alors que le rôle des journalistes, quelles que soient leurs opinions politiques, devrait être le partage d’informations vérifiées et utiles à la société, nous sommes de plus en plus dans une permanence de l’anecdote sensationnelle qui monte le moindre petit évènement en épingle.

Les médias partagent des histoires sans aucune empathie pour les personnes concernées et dans un but d’audience et de manipulation de l’opinion. On a pu entendre parler pendant des jours si ce n’est des semaines du décès de Matthew Perry après avoir pris de la kétamine, de la conduite meurtrière de Pierre Palmade après avoir participé à une session de chemsex, ou encore de la « descente aux enfers » de Loana.

On pourrait continuer longtemps de présenter le travail d’historiens, de journalistes intègres et de criminologues pour comprendre que la guerre contre les drogues repose sur une morale religieuse, principalement chrétienne, soutenue par des politiques racistes et xénophobes, et facilitée par une désinformation permanente. C’est l’essence même de cette politique qui la rend parfaitement inefficace du point de vue de la santé publique et d’un point de vue sécuritaire, et qui au contraire aggrave les situations des personnes souffrant de leurs consommations.

Je ne saurai dire si l’objectif de cette guerre est avant tout raciste, ou toxicophobe, ou les deux à la fois. Mais force est de constater que c’est une politique violente qui va à l’encontre des valeurs de notre Constitution, qui marginalise, qui fragilise la cohésion sociale et qui éloigne les gens de l’accès aux soins quand ils en ont besoin. Cette politique ne défend pas la liberté, n’est aucunement empreinte de fraternité, et repose sur un traitement inégal des personnes.

Mais une chose est sûre.

Il est impossible d’effacer un comportement aussi vieux et ancré dans l’humanité, c’est perdu d’avance et de toute façon ce n’est pas particulièrement souhaitable. La date la plus lointaine que j’ai réussi à trouver pour une interdiction de drogue concernait l’opium en Thailande, en 1360. Oui, oui, il y a presque 700 ans.

La consommation de drogues a-t-elle disparu en Thailande pour autant ? Et bien non, 39% des 15-24 ans y consomment des drogues illicites Kongjareon, Y., Samoh, N., Peerawaranun, P., & Guadamuz, T. E. (2022). Pride-based violence, intoxicated sex and poly-drug use: a vocational school-based study of heterosexual and LGBT students in Bangkok. BMC psychiatry, 22(1), 148. https://doi.org/10.1186/s12888-022-03777-7 .

L'évolution de la Réduction des Risques.

Le Charivari, trente-sixième année, samedi 8 juin 1867

C’est important maintenant de s’intéresser aux réponses apportées à cette prohibition. Dans le projet DRUGZ, on s’implique dans la réduction des risques. C’est une approche qui accepte l’usage de drogues et qui propose des outils et des solutions pragmatiques aux risques et aux dangers, en se basant sur des données scientifiques et expérientielles.

En gros ça veut dire qu’on est contre la répression, la pénalisation, et qu’on reste conscients que la consommation peut comporter des risques que l’on sait réduire, sans oublier la dimension plaisir associée à l’usage qui est la plupart du temps non-problématique.

C’est une façon de voir les choses qui chatouille beaucoup les croisés de la guerre contre les drogues, notamment du côté du Ministère de l’Intérieur. Celui-ci impose d’ailleurs depuis un moment sa vision au Ministère de la Santé qui n’a quasiment aucune marge de manœuvre cf déclaration de loyauté de Yannick Neuder envers Bruno Retailleau en ce qui concerne les psychotropes la.

Malgré la vision biaisée du gouvernement sur la réduction des risques, c’est une approche qui obtient de vrais résultats en matière de santé publique et même en termes de sécurité. En fait, considérer les gens comme des humains, ne pas les stigmatiser, ne pas les insulter à la télé toute la journée, et considérer leur expérience de vie avec une réelle empathie, bah ça les aide en fait.

Qui aurait pu prédire ?

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que les actions et dispositifs de réduction des risques ont du s’optimiser depuis toujours dans la contrainte permanente et le manque de visibilité à long terme. Rien n’est acquis encore aujourd’hui, et il est nécessaire qu’on défende activement nos positions !

Au départ sans cadre légal clair et protecteur, le mouvement de la réduction des risques a fini par imposer un certain nombre de façons de concevoir l’usage et de l’accompagner.

Pour autant, c’est vraiment en 1995 qu’est légalisée la distribution de seringues par les associations et que l’État affiche un soutien officiel aux projets associatifs s’inscrivant dans la RdR. La France souffre d’une inertie énorme entre le moment où les preuves de l’efficacité d’une mesure sont produites et le moment où on permet vraiment de les concrétiser sur le terrain.

Lors de l’épidémie de VIH qui a commencé dans les années 80, l’association AIDES expérimentait la distribution de seringues propres aux personnes injectrices, pour lutter contre la propagation du virus. Le dogme de l’abstinence étant parfaitement inefficient, l’épidémie n’a pas eu de mal à continuer sa propagation face à lui.

Ce n’est qu’en mai 1987, et non sans réaction politique et populaire, que la vente libre de seringues en pharmacie a été autorisée, après que le travail associatif communautaire ait démontré l’efficacité de la distribution, et que les chiffres liés à l’épidémie grandissaient de jour en jour.

Pour autant, c’est vraiment en 1995 qu’est légalisée la distribution de seringues par les associations et que l’État affiche un soutien officiel aux projets associatifs s’inscrivant dans la RdR. La France souffre d’une inertie énorme entre le moment où les preuves de l’efficacité d’une mesure sont produites et le moment où on permet vraiment de les concrétiser sur le terrain.

La Grande-Bretagne a eu beaucoup moins de mal à accepter l’approche pragmatique de la réduction des risques. Elle autorise même la prescription d’héroïne dite médicalisée depuis 1926 Gossop, M., Keaney, F., Sharma, P., & Jackson, M. (2005). The unique role of diamorphine in British medical practice: a survey of general practitioners and hospital doctors. European Addiction Research, 11(2), 76-82. https://dx.doi.org/10.5553/EJPS/2034760X2022001003https://doi.org/10.1159/000083036 bien que la méthadone reste a priori privilégiée dans une logique de substitution. La Suisse fait pareil Uchtenhagen, A. (2010). Heroin‐assisted treatment in Switzerland: a case study in policy change. Addiction, 105(1), 29-37. https://doi.org/10.1111/j.1360-0443.2009.02741.x , et autorise même l’usage de psychédéliques dans un cadre médical Oehen, P., & Gasser, P. (2022). Using a MDMA-and LSD-group therapy model in clinical practice in Switzerland and highlighting the treatment of trauma-related disorders. Frontiers in psychiatry, 13, 863552. https://doi.org/10.3389/fpsyt.2022.863552 sous certaines conditions.

En France, nous sommes loin d’avoir de l’héroïne médicalisée, mais il faut tout de même dire que des essais cliniques avec des psychédéliques arrivent petit à petit, notamment avec la psilocybine. Ce retour des psychédéliques dans le champ médical peut être qualifié de « renaissance psychdélique » Dubus, Z., Hacquet, R., & Verroust, V. (2023). La «Renaissance psychédélique». Swaps, (105-106), 22-25. https://hal.science/hal-04416035 , mais il faudra sans doute beaucoup de temps avant de la voir concrétisée par les autorités de santé et les pouvoirs publics.
L'héroïne médicalisée au Royaume-Uni

« En 1926, le Comité Rolleston a déclaré que la diamorphine pouvait être prescrite en Grande-Bretagne aux personnes dépendantes aux opiacés sous certaines conditions. Cependant, à l’exception d’une brève période après la mise en place du système de cliniques (1968-1974), la prescription de diamorphine aux patients dépendants aux opiacés n’a pas été largement répandue au Royaume-Uni. En 1992, moins de 1 % des opiomanes britanniques sous traitement d’entretien recevaient de l’héroïne sur ordonnance, contre environ 98 % qui recevaient de la méthadone sur ordonnance. Dans les lignes directrices du ministère britannique de la Santé (1999) [13], cette question a été abordée dans un seul paragraphe succinct qui indiquait qu’en tant que traitement de la dépendance aux opiacés, « il existe très peu d’indications cliniques justifiant la prescription (d’héroïne) » [23, p. 57]. Au Royaume-Uni, ce médicament ne peut être prescrit à cette fin que par des médecins titulaires d’une licence spéciale délivrée par le gouvernement. Actuellement, environ 164 médecins détiennent cette licence, tous spécialisés dans le traitement de la toxicomanie [14]. »

Gossop, M., Keaney, F., Sharma, P., & Jackson, M. (2005). The unique role of diamorphine in British medical practice: a survey of general practitioners and hospital doctors. European Addiction Research, 11(2), 76-82.

L'héroïne médicalisée en Suisse

« Résultats scientifiques et analyse

Les résultats liés à la substance, aux patients et aux services ont été publiés en détail, résumant une série d’études secondaires [28]. Toutes les conclusions ont démontré la faisabilité de la mise en œuvre du programme, les changements positifs chez les patients, la sécurité des médicaments et l’absence d’événements négatifs majeurs. Les données autodéclarées ont été corroborées par les données de la police sur les comportements délinquants et, en partie, par les données d’analyse d’urine sur la consommation de drogues illicites. La principale limite de l’étude globale était l’absence d’un groupe témoin ; les changements en matière de santé, de statut social et de comportement addictif ont été mesurés dans le cadre d’une comparaison avant-après. Seules les sous-études ont été conçues comme des essais contrôlés randomisés (ECR).

À la demande de l’Office fédéral de la santé publique, l’OMS a chargé un groupe d’experts internationaux d’examiner la conception, la mise en œuvre et les résultats de l’étude principale. Le rapport final du groupe d’experts a confirmé les résultats, mais a recommandé de mener d’autres études selon un modèle randomisé contrôlé, car l’étude de cohorte suisse n’a pas permis de déterminer dans quelle mesure la consommation d’héroïne a contribué aux résultats et dans quelle mesure ceux-ci sont dus au programme complet d’évaluation et de traitement [50].

Les recherches se sont poursuivies et ont porté, entre autres, sur les effets positifs à long terme pour les patients suivant un traitement assisté par héroïne [51,52], la faisabilité et l’acceptabilité de l’héroïne par voie orale [53], la mise en place d’un système de surveillance [54] et les effets sur la délinquance liée à la drogue dans les villes suisses [55,56]. Les publications dans des revues à comité de lecture ont renforcé l’acceptabilité des résultats.

En outre, certaines des préoccupations initiales concernant les conséquences négatives de la prescription d’héroïne ont pu être atténuées par les résultats suivants.

• Les doses individuelles d’héroïne n’ont pas augmenté de manière constante, mais se sont stabilisées dans les deux à trois premiers mois suivant le début du traitement ([28], figures 2 et 3).
• Les toxicomanes ne sont pas restés indéfiniment sous traitement assisté par héroïne ; moins de la moitié des patients sont restés trois ans ou plus ([51], figure 2).
• L’image de l’héroïne n’est pas devenue positive lorsqu’elle était prescrite comme médicament, et le nombre de nouveaux consommateurs d’héroïne a diminué chaque année depuis 1991 [57].
• Les autres approches thérapeutiques n’ont pas disparu, mais se sont considérablement développées au cours des années 1990 [38].
• Selon les informations de la police, l’héroïne prescrite n’a pas été détournée vers le marché illégal de la drogue ([28], chapitre 4.3.2). »

Uchtenhagen, A. (2010). Heroin‐assisted treatment in Switzerland: a case study in policy change. Addiction, 105(1), 29-37.

En 1992, ce sont les ancêtres des CAARUD CAARUD : Centres d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues qui commencent à voir le jour. Les boutiques, comme on les appelait, servaient à accueillir et aller vers les personnes les plus en difficulté, pour leur apporter principalement un soutien social et des soins essentiels. Et c’est 13 ans plus tard, en 2005, que ces structures obtiennent une reconnaissance officielle d’établissements médico-sociaux, leur donnant plus de moyens.

On peut aussi parler de l’analyse de drogues et de l’accompagnement à l’injection, deux projets initiés par Médecins du Monde et qui font maintenant partie intégrante de la réduction des risques institutionnelle et communautaire.

L’analyse de drogues développée à partir de 1999 est aujourd’hui un outil extrêmement important et utile dans l’approche RdR, qui se décline sous de nombreuses formes, avec de nombreux moyens différents. En milieu festif, en maraude, directement au CAARUD ou carrément dans des laboratoires tout équipés et investis par des militants et militantes très bien formés.

Aujourd’hui on peut même faire appel à des services à distance pour les personnes les plus éloignées de tout ce système ou simplement pour celles et ceux qui souhaitent conserver leur anonymat. Certains considèrent ce genre de service comme un simple « contrôle qualité », et bien que ça ne soit pas complètement faux s’arrêter à cette appellation est une grave erreur.

Il a été démontré maintes fois Maghsoudi, N., Tanguay, J., Scarfone, K., Rammohan, I., Ziegler, C., Werb, D., & Scheim, A. I. (2022). Drug checking services for people who use drugs: a systematic review. Addiction, 117(3), 532-544. https://doi.org/10.1111/add.15734 que connaître la nature réelle du produit, de ses éventuelles coupes et impuretés, permet aux personnes d’être plus vigilantes, voire parfois de ne même pas consommer suite à un résultat inattendu.

De plus, les analyses sont accompagnées de conseils, de discussions et d’échanges autour des pratiques, des dosages, tout les trucs basiques pour réduire les risques. On peut affirmer aujourd’hui que l’analyse aide réellement à préserver la santé des personnes, et c’est pas un avis personnel, c’est un constat basé sur des données scientifiques venant de partout dans le monde.

Il existe d’autres types de services à distance, notamment grâce à SAFE qui propose du matériel, un accompagnement et une écoute, que les personnes ne trouvent pas forcément près de chez elles pour diverses raisons. Et il y a même du libre service dans certaines villes, qui prend l’apparence d’automates distributeurs de matériel d’injection.

Pour l’accompagnement à l’injection, même constat que pour l’analyse. Médecins du Monde a lancé son projet ERLI en 20105 qui a ensuite évolué en AERLI et qui est mis en place dans différentes structures, notamment les CAARUD. Des espaces propres et dignes sont proposés aux personnes souhaitant consommer à moindre risque, mais aujourd’hui les associations qui proposent ce dispositif se voient menacés de fermeture administrative par l’État Mes sources au sujet des espaces de consommation m’ont demandé une certaine discrétion à ce sujet, une mise à jour sera effectuée et des données plus approfondies seront présentée ici une fois que la situation aura évolué et permettra plus de clarté et de transparence. Merci de votre compréhension. . Le constat est le même que pour l’analyse.

Des données scientifiques qui valident l’approche Potier, C., Laprévote, V., Dubois-Arber, F., Cottencin, O., & Rolland, B. (2014). Supervised injection services: what has been demonstrated? A systematic literature review. Drug and alcohol dependence, 145, 48-68. https://doi.org/10.1016/j.drugalcdep.2014.10.012   depuis des années déjà, des personnes qu’on peut accompagner dans un parcours de soins lorsque c’est nécessaire, des surdoses et des infections graves évitées, c’est tout bénef’ pour tout le monde, mais l’État serre la vis et ne regarde même pas les preuves. Et si l’argument que vous privilégiez est le coût économique porté par la société, c’est clairement plus rentable pour tout le monde Wilson, D. P., Donald, B., Shattock, A. J., Wilson, D., & Fraser-Hurt, N. (2015). The cost-effectiveness of harm reduction. International Journal of Drug Policy, 26, S5-S11. https://doi.org/10.1016/j.drugpo.2014.11.007   de faire ça plutôt que les passages aux urgences, les décès, et les affections longue durée.
Prises de risques par les personnes injectrices

« Divers facteurs peuvent être associés à la probabilité d’adopter des comportements à risque liés à l’injection. Il peut s’agir de caractéristiques individuelles telles que le sexe, l’âge, la durée de la carrière d’injecteur et les types de drogues injectées, qui peuvent influencer la fréquence des injections.

Il peut également s’agir de l’exposition à des environnements plus risqués, comme le fait de vivre dans des logements précaires. Outre les facteurs individuels, des facteurs structurels et communautaires peuvent également contribuer à ces variations.

Il peut s’agir des caractéristiques du marché de la drogue et de la politique en matière de drogue qui régissent la disponibilité des différents types de drogues, ainsi que des réponses gouvernementales et sociales à la consommation de drogues injectables et aux personnes qui s’injectent des drogues, y compris la disponibilité d’interventions connues pour réduire les risques liés à l’injection (programmes d’échange de seringues et d’aiguilles, traitement aux agonistes opioïdes).

Selon le pays et la région, le nombre de personnes injectrices et la couverture des programmes d’intervention visant à réduire les risques liés aux comportements à risque peuvent varier considérablement. Des caractéristiques sociétales plus larges telles que les inégalités de revenus, l’égalité des sexes et le niveau de développement du pays peuvent influencer les attitudes à l’égard des personnes injectrices et leur marginalisation.

Cependant, à notre connaissance, la relation entre ces facteurs nationaux et les comportements à risque liés à l’injection n’a pas encore été explorée, car la plupart des études sont menées dans un seul pays, ce qui empêche d’étudier les variations entre les pays. »

Tran, L. T., Peacock, A., Colledge, S., Memedovic, S., Grebely, J., Leung, J., … & Degenhardt, L. (2020). Injecting risk behaviours amongst people who inject drugs: A global multi-stage systematic review and meta-analysis. International Journal of Drug Policy, 84, 102866.

Les Haltes Soins Addictions.

On arrive maintenant à un sujet d’actualité que je pouvais pas laisser de côté et qui est vraiment important pour tout le monde. Même pour les personnes qui ne consomment pas. Je veux vous parler de la pérennisation des salles de consommation, que certains médias qualifient encore injustement de salles de shoot, et qui ont comme appellation officielle Halte Soins Addictions.

C’est compliqué de choisir par où commencer pour aborder ce sujet.

Il ne vous aura pas échappé qu’on a aujourd’hui un gouvernement qui tend vers une politique de plus en plus répressive sur à peu près tous les sujets où on peut s’y attendre, avec des politiciens qui font du pied à l’extrême droite pour pas trop perdre de voix aux futures élections.

Durcissement de la répression contre les consommateurs et consommatrices de psychotropes, discours de plus en plus tranchés et discriminants envers les personnes migrantes et les français issus de l’immigration, les musulmans… On a même les écolos qui se font taxer de terroristes quand ils vont protester contre des mesures catastrophiques pour l’environnement, comme le retour des néonicotinoïdes.

Du coup, forcément dans ce contexte politique on a un gouvernement très réticent au fait de pérenniser des endroits où les gens peuvent venir consommer en toute sécurité, accompagnés par du personnel paramédical et soutenus par des travailleurs sociaux. Pour le Ministère de l’Intérieur c’est, à juste titre, paradoxal, parce que l’usage étant interdit, pourquoi on l’autoriserait dans ces endroits-là, financés par de l’argent public en plus ?

Mais ça c’est parce que pour eux il faut maintenir la pénalisation et la répression, et même les renforcer, alors que pour nous il faudrait au grand minimum dépénaliser. Mais vous avez sans doute remarqué que depuis quelques temps on est passés à un discours qui assimile les simples consommateurs aux trafiquants armés de kalachnikovs.

Il n’est pas prévu dans l’agenda du gouvernement de dépénaliser, c’est même tout l’inverse.

Il est donc logique qu’on s’inquiète puisque la fin de l’expérimentation est le 31 décembre 2025. Un rapport doit encore être remis pour que le gouvernement se positionne, alors qu’il existe déjà des rapports et des données scientifiques françaises Notamment les rapports de l’INSERM en 2021 et de l’IGA-IGAS en 2024, que vous retrouverez dans la bibliographie en fin d’article, téléchargeables. sur les salles de consommation, et que ce type de dispositif à l’étranger a fait ses preuves à de nombreuses reprises Potier, C., Laprévote, V., Dubois-Arber, F., Cottencin, O., & Rolland, B. (2014). Supervised injection services: what has been demonstrated? A systematic literature review. Drug and alcohol dependence, 145, 48-68. https://doi.org/10.1016/j.drugalcdep.2014.10.012  . Il n’y a pas d’exception française en la matière. Pour rappel, l’expérimentation dure depuis 2016, et toutes les preuves de l’efficacité du dispositif qui s’accumulent depuis ne suffisent toujours pas à ce que le gouvernement prenne ses responsabilités.

Mais le gouvernement actuel n’est pas réputé pour prendre en compte les données apportées par la science, malheureusement.

Enfin, sauf si le prochain rapport qui sort nous explique que les HSA sont une très mauvaise chose, là tout d’un coup on aura un document brandi par tous les opposants à ce dispositif dès qu’ils auront la parole quelque part. La science peut être instrumentalisée, ne l’oublions pas.

Finalement, ils suivent le sens du vent idéologique qui les porte au pouvoir, ni plus ni moins.

Médecins du Monde, rejoint par d’autres associations, a d’ailleurs lancé une action en justice contre l’État pour son obstruction dans la mise en place de dispositifs de RdR comme les HSA. Le dernier exemple en date étant la salle qui devait ouvrir à Marseille. On a carrément une ancienne secrétaire d’État qui se vantait d’avoir bloqué l’installation de la HSA marseillaise, alors parler d’obstruction c’est vraiment le minimum.

On peut d’ailleurs ajouter à cela que depuis 2016, la RdR devrait être présente en prison mais ne l’est toujours pas. Il y aurait d’autres choses à dénoncer tant la réduction des risques en tant que philosophie et stratégie sanitaire est de plus en plus attaquée de toute part et fondamentalement remise en question, malgré tous les bienfaits sociaux et sanitaires qu’elle apporte.

On peut d’ailleurs ajouter à cela que depuis 2016, la RdR devrait être présente en prison mais ne l’est toujours pas. Il y aurait d’autres choses à dénoncer tant la réduction des risques en tant que philosophie et stratégie sanitaire est de plus en plus attaquée de toute part et fondamentalement remise en question, malgré tous les bienfaits sociaux et sanitaires qu’elle apporte.

Ce qu’il faut retenir néanmoins, c’est que les outils les plus efficaces de la réduction des risques sont aujourd’hui fragilisés soit par une inaction de l’état, soit carrément par une attaque de sa part, notamment au travers des ministères de l’Intérieur et de la Justice, avec un ministre de la Santé qui n’a pas manqué de reprendre leurs poncifs au dernier congrès de la Fédération Addictions. C’était tout bonnement affligeant. Heureusement que Catherine Delorme a parlé avant lui.

Conclusion.

Vous l’aurez compris, le mouvement de la réduction des risques et l’évènement du Support Don’t Punish sont une réponse logique à la prohibition et la répression qui l’accompagne. En tout cas si on considère être dans une attitude humaniste, fondée sur les connaissances scientifiques et réellement intéressée par la santé publique.

Et bien qu’on ait énormément de preuves historiques, sociologiques, épidémiologiques et bien d’autres encore, il est désormais évident que ce n’est pas sur ce terrain là qu’on gagnera face à des politiciens qui n’ont que faire de la méthode scientifique pour construire des politiques publiques.

C’est sur le terrain du militantisme politique et du combat d’idées qu’il est le plus important de s’investir. On a accumulé plein de preuves, c’est bien et il faut continuer. Maintenant il faut visibiliser ce qu’on fait, et ce pourquoi on le fait. Bien entendu, il est important de fonder son raisonnement sur des données probantes. Mais on voit bien que se limiter à un discours scientifique ne suffit pas et peut même nous bloquer, surtout lorsqu’en face le discours ne suit pas du tout les mêmes règles de rigueur épistémologique.

On peut aussi se dire que rester discrets nous permet de continuer d’exister, mais on voit bien dernièrement que même en ne faisant pas trop de bruit on est constamment attaqués. Donc chez DRUGZ, le parti pris c’est de gueuler, mais de manière constructive !

‘Dans cette logique-là, cest important d’améliorer la manière de communiquer, d’argumenter et de présenter les faits. Il est aussi important de muscler son esprit critique, et de s’entraîner à débattre. Parce que pour convaincre, il faut être convainquant, mais il faut aussi savoir choisir ses combats.

Et si vous voulez contribuer à cette lutte pour les droits humains, vous pouvez le faire à votre échelle, et commencer avec les personnes autour de vous. Ne laissez pas dire des bêtises sur ces sujets, ne laissez pas les personnes être racistes ou toxicophobes, ne les laissez pas penser que l’absence de réponse face à leurs propos indécents vaut pour preuve qu’ils auraient raison de penser comme ça. Chacun et chacune, à notre niveau, on peut agir pour s’opposer à cette guerre contre les drogues et les drogués.

En fait mon message c’est qu’il faut arrêter d’attendre que d’autres fassent le boulot à notre place. Le mouvement de la réduction des risques vient avant tout de l’auto-support, du coup il me semble important de rappeler que rien ne doit être fait pour nous, sans nous.

Oui, je m’inclue dans le nous, parce que je n’ai pas l’intention de faire semblant de ne pas être comme les personnes dont je parle dans les vidéos ou dans les articles sur DRUGZ. Et aussi parce que je considère qu’il n’y a aucune honte à consommer des psychotropes illicites, quoi qu’en disent ceux qui croient avoir une morale supérieure à la nôtre. Et puis comme ça, celles et ceux qui avaient des doutes n’en ont plus !

Je souhaite terminer cette vidéo en saluant le travail quotidien effectué par les personnes militantes, salariées comme bénévoles. Malgré les contraintes, le manque de moyens, et la dévalorisation permanente venant de tous les côtés, elles sont là pour aider et accompagner des personnes déshumanisées au quotidien. Et c’est loin d’être facile.

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Je remercie tout particulièrement mes relectrices, Zoé Dubus et Ovets ! Un grand merci aussi à Donut Fraise et Morning Glory pour l’aide dans l’élaboration du script.